Je m’étais arrangée pour lui trouver une place discrète, derrière une série de pots de confiture à laquelle je ne touche pas…
Je tentais depuis quelques semaines de ne pas le voir, de ne pas culpabiliser…
La culpabilité m’a rattrapée…
« Plus le temps tu comprends… tout va trop vite et je n’ai pas envie de mettre les mains dans la « patouille » à 11 heures du soir, de gérer les temps de levées successives, d’enfourner le lendemain à minuit… Pas que je ne sois pas consciente que tu nous offres de fabuleux pains depuis plusieurs mois et qu’il est par conséquent bien triste de préférer se soumettre, faute de temps, à la saveur industrielle et sucrée du pain de mie de grande surface plutôt que de préserver la tienne…
Un mois… voire un peu plus…
Un mois et je me suis demandé à quoi mon levain allait ressembler après plusieurs semaines de jeûne glacé…
Comment dire… Pas d’odeur… Une croûte épaisse semblait dissimuler le pire. Que faire d’un levain solide comme un roc, éteint, ou si tristement blafard qu’il ne semblait plus animé par la moindre envie de se réveiller, l’appétit aiguisé par une bonne farine de seigle bio et une cuillerée à soupe de miel de châtaigner…
J’ai cassé la surface, surprise de découvrir qu’elle protégeait une matière encore souple. Et j’ai tenté un rafraichi…
400 gr de levain environ, parmi ce que j’ai pu récupérer… Le reste aurait pu faire l’objet d’une expérience de mixage et de congélation, car je ne doute plus un instant que la croûte épaisse de mon levain oublié gardait trace d’une énergie en réalité assoupie…
Le double de farine et environ 600 gr d’eau tiède. Une cuillerée à soupe de miel. Un bon pétrissage…
– « T’as de l’espoir » semblaient me dire ma maisonnée à chaque visite dans la cuisine.
– « Tu crois vraiment qu’il va repartir ? »
– « J’en sais rien mais je tente… »
Placé dans un grand saladier, tout près du radiateur, couvert d’un linge épais, j’ai laissé les heures et la température jouer avec la nature et finalement…
Nous voici repartis… Un mois de sommeil dans une indifférence quasi absolue. Un mois d’une température peu chaleureuse mais quelque part, une envie de patienter et d’hiberner silencieusement dans l’attente d’un prochain « printemps »…
Le levain, c’est magique… Je ne le dirais jamais assez…
J’ai prélevé à nouveau 400 grammes de matière, déposant le reste au frais pour un nouveau repos. 800 grammes de farine environ, 550 gr d’eau tiède, 20 gr de sel et deux pétrissages successifs espacés d’une heure.
J’ai déposé mes deux pains ainsi formés au creux de bannetons protégés par un linge fariné et ils ont levé tout doucement durant une dizaine d’heures.
Retournés ensuite sur une plaque de cuisson, j’ai grigné leur surface et les ai enfourné à tour de rôle à 280°C.
Cette manipulation délicate me fait toujours craindre le pire sur un pâton très aéré et nécessairement fragile.
Je regarde souvent mon « pain galette » se transformer sous l’effet de la chaleur, gonfler et colorer, former une belle croûte que mes filles adoreront briser, encore chaude…
Et les voici… Toujours aussi beaux, toujours aussi bons… Je suis fascinée par leur côté rustique, leur saveur légèrement acide, leur durée de conservation étonnante.
Mon levain oublié au fond du frigo pendant plus d’un mois a conservé toutes ses promesses…
Je ne peux que lui promettre de ne plus l’oublier…
6 Commentaires
Ton levain a ressuscité !!! Il t’a donné un merveilleux pain….
Tiens, j’ai aussi mon levain, que devient il ???
manue
Manue : on a parfois de bonnes surprises 🙂
Bravo pour ce superbe pain et aussi pour les articles intéressants sur les livres de cuisine !
Jeanne : Merci ! 😉
il est superbe ce pain au levain oublié!!
j’ai fait la même chose avec un levain mis au frigo en juillet et resorti il y a trios semaine ben il est tellement bien reparti que maintenant je’l’appelle LAZARE
Titione : Excellente idée ! 🙂