Gamine, je me souviens des cadeaux que je faisais à ma mère pour sa fête. Et ce n’était pas toujours de bon goût.
Je me souviens notamment de deux petits oiseaux en coquillage collés sur une petite branche torturée en plastique brun, pour lesquels je m’étais ruinée du haut de mes 7 ans et que ma mère avait accueillie avec une certaine surprise… Ils ont trôné longtemps, ces petits oiseaux sur leur branche, posés sur le frigo ou ils avaient une place discrète entre une pile de livres Thermomix, un sablier et quelques Tupperwares. Je comprends cependant ma mère aujourd’hui. Cet objet était d’une laideur absolue…
Plus tard, ma réflexion a muri et j’ai réalisé que l’on offrait un cadeau non pas pour soi mais pour les autres, en fonction des goûts, de la sensibilité, de la personnalité de ceux que l’on connait bien et mes présents à l’attention de ma mère ont commencé à vivre, à lui rendre service, à l’accompagner parfois au quotidien. La boite à couture que je lui avais faite quelques années plus tard, avec tiroirs amovibles et couvercle à rabat, entièrement habillée d’un joli tissu à petites fleurs pourpre a voyagé entre ses mains durant des années. Aujourd’hui, même si elle ne sait plus ce que coudre signifie, la boite à couture est toujours là, sur l’un des tabourets de la cuisine, pleine de fils et de bobines de couleurs, d’aiguilles et de restes de tissus.
A présent, lorsque je veux gâter ma mère, il ne reste guère que le plaisir du goût pour lui rendre la pétillance d’un regard dont la lumière vacille au fil des mois. Quand la mémoire s’éteint, elle emporte avec elle bien des émotions. Les siennes. Et les miennes en prennent un coup au passage…
Alors c’est en pensant à elle, aux tartes divines de mon enfance, à la rhubarbe du jardin, que je rédige cette recette ce soir, en cette veille de fête particulière.
La voici pour toi maman…
Pour commencer, tu vois, j’ai appris une petite chose sur la rhubarbe que je ne savais pas… Il en existe trois sortes, l’une toute verte et très acide. Les deux autres plus douces : rouges et rouges et vertes.
Celles que j’ai trouvé dans mon Biocoop étaient toutes vertes et j’ai du les précuire au beurre et au sucre, à la manière d’une compotée.
Tu l’auras compris, c’est bien moins coloré que lorsque l’on utilise les tronçons vermillon de ce légume-fruit, ou que l’on vient « tricher » avec de la fraise ou du sirop pour rehausser l’ensemble.
J’ai donc commencé par peler soigneusement ma brassée de rhubarbe ( j’ai eu de quoi faire deux tartes avec la quantité proposée sur la photo..) puis découpé en petits tronçons réguliers et je les ai poêlé au beurre, tranquillement, en les mélangeant régulièrement.
A côté de moi, le pot à sucre roux, pour adoucir le tout, saupoudrant et goutant régulièrement l’ensemble et d’ailleurs, tu vois, j’ai bien du mal à donner des proportions. Plusieurs cuillères en tout cas, jusqu’à ce que peu à peu, au fil de la cuisson et du compotage, le goût me plaise…
J’ai ensuite réalisé une pâte brisée avec les ingrédients suivants :
– 160 gr de beurre salé
– 100 gr de sucre roux
– 300 gr de farine bio T65
– 1 œuf entier + 1 œuf battu
– 2 cuil à soupe de graines de pavot
J’ai mélangé ensemble et au robot (à la feuille) le beurre et le sucre quelques instants à petite vitesse.
J’ai ensuite ajouté la farine, les graines de pavot et l’œuf entier, puis, peu à peu à la cuillère, un peu d’œuf battu jusqu’à ce que la pâte se structure.
Il ne faut pas mélanger trop longtemps, sans quoi on apporte trop d’élasticité à la pâte. Petite vitesse, tranquillement, pas trop longtemps…
La pâte filmée et mise au frais une grosse demie heure, j’ai débarrassé ma compotée de rhubarbe et l’ai laissé refroidir.
Puis après avoir fariné légèrement mon plan de travail, j’ai étalé ma pâte au rouleau sur une feuille de papier cuisson sur une épaisseur d’environ 5 mm.
Et j’ai disposé une partie de ma compotée de rhubarbe au centre de la pâte étalée.
Ensuite, il s’agit de replier les bords sur le centre, plus ou moins, et même très irrégulièrement.
Puis j’ai saupoudré les bords de la pâte ainsi repliée avec quelques pincées de sucre roux…
… et enfourné à four préchauffé Th 6 (180°C) durant une trentaine de minutes jusqu’à ce que les bords de la tarte soient bien dorés.
A la sortie du four, il suffit de laisser refroidir quelques instants, avant de décorer avec quelques fraises et framboises du jardin.
Un petit voile de sucre glace, et c’est tout…
Voila maman. C’est pour toi. Pour cette cuisine par laquelle tu nous a transmis ce que tu as pu. A ta manière.
Chaque mère offre ce qu’elle peut. Avec ce qui la construit. Son passé, son présent, son vécu, ses joies et ses souffrances. Chacune d’elle est unique, parfaite ou imparfaite.
Chacune d’elle porte sa vie et celle de ses enfants. Adroitement ou maladroitement.
Un rôle bien long, souvent difficile, si heureux parfois et parfois bien solitaire…
3 Commentaires
Merci Nath pour ce bel hommage plein de sensibilité et d’amour.
Cette tarte doit être délicieuse.
Merci Nathalie pour tes billets remplis de sensibilité et de poésie. J’ai voyagé 40 ans en arrière en découvrant cette tarte à la rhubarbe qui me rappelle tant les moments passés chez ma grand mère où nous allions couper la rhubarbe dans le jardin, cueillir les fruits pour confectionner de délicieuses tartes…
Une façon de se replonger dans notre enfance et nos souvenirs. A bientôt. Karine