Il y a des jours où je me damnerais pour ne rien faire en cuisine…
Même pas jeter quelques poignées de pâtes dans de l’eau bouillante…
Même pas les surveiller.
Même pas écouter la chanson de l’eau de cuisson qui annonce qu’elles sont presque parfaites….
Rien.
Lovée dans un bon fauteuil, ensevelie sous un plaid bien chaud, noyée sous les bouquins et oubliée de tous : absente, transparente, invisible…
Il y a des jours ou je pourrais rester des heures à ne rien faire, juste pour sentir la caresse des heures qui n’en peuvent plus de se répandre, d’égrener leurs interminables secondes, de scander le rythme de la journée et d’annoncer : « il n’est QUE 9 heures »… » il n’est QUE 11 heures… »… « Il n’est QUE 15 heures »…
Et personne à la maison…Chacun de vaquer à ses obligations, les filles à leurs études, mon homme à sa matrice, et moi… à la paresse, à l’indolence, à l’inertie la plus totale, comme le plus atonique des lézards du sud…
Tout juste accepterais-je que notre Holly se couche à mes pieds, elle-même abandonnée à ses siestes bienheureuses…
Il m’arrive par ailleurs de fuir parfois, de m’échapper en rasant les murs, de refuser d’entendre les : « Qu’est ce qu’on mange ce soir ? » avec la désinvolture et l’indifférence non feinte d’une mère – et d’une épouse– indigne.
La plus petite a appris à jouer avec l’une de mes cordes sensibles et sait y faire, en général, lorsque je tente d’abandonner mon vaisseau.
-« Maman ? »
-« Hummmm ? »
-« Il est 19 heures »
-« Hummmm. »
-« C’était bon à la cantine à midi… Tu veux que je te dise ce qu’on a mangé ? »
-« Vas-y… »
(Longue énumération des ingrédients servis le jour même au déjeuner des primaires, avec force détails…)
– « Ah… et bien, je suis contente que tu aies bien mangé… »
« – Mais j’aime aussi tes macarons, et tes gâteaux, et puis les petits poulets que tu me fais, grillés, tu sais, comme des tempuras, et puis tes soupes chinoises, et puis la salade avec les noix et les dés de Comté et puis… j’ai un peu mal au ventre là, maman… »
– » Ah ?… »
– » Je pense que j’ai faim… »
Et là, en général, je pense qu’il serait intéressant de me scanner le cerveau.
Et l’abdomen ensuite.
Les flux électriques s’emballent et vont réveiller tous les petits complexes qui se baladent dans mon crâne et en profitent pour titiller méchamment le sentiment de culpabilité que je cultive avec tant de grâce depuis quelques décennies à présent… S’ensuit un vaste branle-bas de combat jusqu’à ma poitrine ou je sens mon cœur étreindre cette saleté de sentiment de culpabilité avec une passion indécente…
« Il est DÉJÀ 19 heures »….
Adieu plaid, bouquins, lézard et paresse…
Me voici errant dans la cuisine comme une âme en peine, ouvrant le frigo avec une conviction frôlant le 0 pointé, cherchant des yeux ce que je pourrais bien proposer à ma famille en 25 secondes chrono…
Et puis mon côté masochiste -celui là même qui m’amène à proposer des ateliers de cuisine tous les week-end, dimanche inclus- se pointe avec arrogance et prends le contrôle :
« Hééééé Naaat !! C’tune blague ? Tu vas pas leur faire un truc en boite ?? Tu plaisantes ? Regarde… Y’a du tofu soyeux…. Et de jolies escalopes de poulet…et des champignons… Penses à la petite, penses à ton homme, penses au étudiantes, là qui bossent devant Facebook…«
Et me voilà, à 19 heures passées, me lançant dans la réalisation de tartelettes individuelles pour la famille, sans savoir au préalable si elles feront l’unanimité…
Allez, je vous montre la face cachée…
Sur la tartelette, une petite salade toute simple avec julienne de carottes, feuilles de laitue coupées au ciseau, brins de ciboulette fraiche. Le tout assaisonné d’un soupçon d’huile de sésame, d’une touche de sauce soja et d’une pincée de cacahuètes salées grossièrement concassées.
Pour la tartelette en elle-même, j’ai repris le reste d’une pâte au parmesan réalisée la veille (ne poussons pas le masochisme trop loin tout de même…)
Pour 6 personnes :
– 250 gr de farine
– 60 gr de parmesan râpé
– 1 jaune d’œuf
– 1 pincée de sel
– 150 gr de beurre
– un peu de lait ou d’eau.
Dans un grand bol, mélangez ensemble farine, parmesan et sel.
Ajoutez le beurre coupé en morceaux et intégrer les du bout des doigts de manière à obtenir une sorte de mie de pain. Ajoutez le jaune d’œuf, puis le lait ou l’eau peu à peu de manière à ce que la pâte devienne souple et homogène. Rassemblez la en boule et réservez la au frais un minimum d’une heure.
Étalez ensuite la pâte finement et disposez la dans des cercles à tartes de 10 cm de diamètre en prenant soin de piquer le fond de quelques coups de fourchette. Glissez à four préchauffé Th6 (180°C) pour une dizaine de minutes de cuisson. Surveillez la coloration des fonds de tarte qui doit rester claire. Retirer les cercles et réservez les fonds de tartelettes précuits.
Pour l’appareil au tofu soyeux :
Commencez par faire revenir deux escalopes de poulet coupées en petits dés, à la poêle, dans un fond d’huile d’arachide. Salez et poivrez et réservez.
Faites revenir également à la poêle et dans un petit fond d’huile d’arachide, 200 gr de champignons de Paris soigneusement grattés, et coupés en lanières fines. Laissez les champignons rendre leur eau et réservez une fois cuits.
Mélangez ensemble 150 gr de tofu soyeux coupés en morceaux, 20 cl de lait et 1 œuf entier. Salez et poivrez.
Versez l’appareil sur les dés de poulet et les lamelles de champignons et ciselez quelques brins de coriandre sur chacune d’elle. Ajoutez quelques tours de poivre de Sichuan au moulin.
Glissez ensuite à four préchauffé Th 6 (180°C) pour une vingtaine de minutes.
Servez ces tartelettes encore tièdes, accompagnées de leur petite salade. Froides, elles sont également délicieuses.
Enfin… Pas de l’avis de tous puisque Clem, même affamée, n’a pas souhaité goûter au tofu…
– « Non merci… Finalement je n’ai pas très faim… je crois que je vais me débrouiller ce soir maman… Tu as l’air fatiguée… »
…………….
8 Commentaires
Bonjour.
Décidément vous avez tous les talents, même celui de conteuse, BRAVO!…
Je suis une piètre cuisinière car seule, pas toujours envie de sortir les casseroles mais j’avoue que je me laisserais bien aller quelquefois à le faire…. Tiens! peut-être à midi , une tartelette au poulet est une bonne idée!….
Je vous embrasse et dites à votre époux de ne pas oublier de vous souhaiter une bonne fête, car vous êtes « formidable »…
émilie.
Merci Emilie pour ce message si gentil ! Il me touche beaucoup ! Bonne journée à vous ! 🙂
Je crois qu on est pareille toi et moi ! Heureuse à ne rien faire mais culpabiliser quand on ne cuisine pas …
Pas mal ton idée de tartelettes, peut être sur notre table demain soir …. Si je suis pas trop fainéante 🙂
Sylvie : et oui… Mais quelque part, nous aimons ce que nous faisons et cela fait partie de notre désir de partage. Cuisiner, c’est de l’amour… aussi…
Bonne soirée à toi. Et bon week-end pour celui qui s’annonce ! 🙂
J’aime !! Surtout le petit texte bourré d’humour mais tellement vrai qui précède la recette !
Merci Elke ! 🙂
encore un joli billet!!…c’est toujours un plaisir de voyager avec vous..même lovée dans un fauteuil!!…bon dimanche!!……..
Nelly : Bonne semaine à vous ! Douce et ensoleillée ! 🙂